Pourquoi aime-t-on autant la malbouffe?
- Sybille Couvreur

- 24 juin 2020
- 4 min de lecture
Pourquoi arrivons-nous à des comportements excessifs et compulsifs! Quels sont les enjeux, les solutions et les clés de communication?

Quand j’ai lu il y a quelques jours, les comportements extrêmes de certains consommateurs allant jusqu’à faire 3h de queue à un drive pour manger un hamburger dont seules les grandes chaînes ont le secret, je me suis posée pas mal de questions. Car il faut bien se l’avouer, “un hamburger et des frites home-made” n’ont pas leur pareil.
Pourquoi arrivons-nous alors à de tels comportements? D’où vient cette envie irrésistible à s’empoisonner? Et surtout n’avons-nous pas là des comportements compulsifs dignes des effets de manques que procurent les drogues dures?
Alors certes, la réouverture d’un certain fast-food après un mois de cloisonnement a forcément poussé les aficionados à courir se procurer leur hamburger tant chéri. Mais je m’interroge quand même sur cet acte compulsif, sur ce comportement abusif, quitte à se heurter à une queue sans fin plutôt que d’attendre quelques jours que le terrain soit plus praticable et plus “safe” surtout.
Forcément la réponse est dans ces fameuses recettes de mille-feuilles de protéines, de sucres et de glucides made in USA.
Quand on étudie le sujet d’un peu plus près on s’aperçoit que ce sont les mêmes mécanismes du cerveau qui sont à l’oeuvre dans la consommation compulsive de nourriture hautement calorique que dans la dépendance aux drogues. Les études menées par les chercheurs Paul Johnson et Paul Kenny publiées en 2010 (détails ici) lors d’expériences sur des rats ont révélé ces comportements et sa finalité avec des rats devenus obèses, diabétiques et développant des cancers. Les chercheurs ont offert régulièrement aux rongeurs de la nourriture hautement calorique (bacon, saucisse, gâteau, chocolat) en plus de leur nourriture habituelle, plus saine mais moins appétissante. Les animaux ont très rapidement développé l’habitude de se suralimenter et de façon compulsive, consommant davantage de nourriture grasse et calorique jusqu’à devenir obèses. Ils ont aussi mis en évidence la corrélation du comportement du cerveau de ces rats avec ceux qui consommaient de la cocaïne ou de l’héroïne.
On arrive alors à une perte totale du contrôle des comportements alimentaires.
Pour les chercheurs, ces résultats confirmaient les propriétés addictives de ladite “junk food”.
“L’étude présente la preuve la plus précise et rigoureuse que l’addiction aux drogues et l’obésité sont fondées sur les mêmes mécanismes neurobiologiques sous-jacents”, a déclaré Paul Kenny.
Les chercheurs ont également conditionné les rats à craindre un choc électrique à la vue d’une lumière rouge. Alors que les rats nourris normalement arrêtaient de manger lorsque la lumière rouge s’allumait, ceux devenus obèses, habitués à une nourriture riche, continuaient de manger.
“Dans cette étude, les animaux ont complètement perdu le contrôle de leur comportement alimentaire, premier signe de l’addiction. Ils continuaient à se suralimenter même lorsqu’ils anticipaient un choc électrique, ce qui montre bien combien ils étaient motivés pour consommer de la nourriture appétissante”, a expliqué Paul Kenny.
Mais comment une chose nécessaire à votre survie peut-elle devenir une drogue ?
Tout ce qui distingue un repas au fast-food d’un déjeuner préparé à la maison, c’est la quantité de graisse et de calories qu’ils fournissent, l’un et l’autre, en une fois. On recommande en général une consommation quotidienne de 2800 kilocalories (appelées “calories” dans le langage courant) pour un homme adulte et un maximum de 93 grammes de graisse. Un repas dans un fast-food — hamburger, frites, boisson et dessert — atteint presque ces chiffres en une seule fois.

Le corps est conçu pour aimer les aliments sucrés, le goût de la graisse et du sel — parce que nous en avons besoin dans leur état naturel, a contrario de cette sur-alimentation qui provoque du coup des dérives comportementales et ce dès le plus jeune âge.
Un marketing bien ficelé, et j’avoue que certains sont extrêmement doués sur le sujet, des prix alléchants, la famille au coeur de leur cible, ces enseignes ont effectivement trouvé les mots et le business-modèle pour séduire. Mais alors quelles sont les solutions possibles afin de ne pas voir surgir dans quelques années des hôpitaux surchargés en problèmes cardio-vasculaires, cancers, obésités morbides ou encore diabètes? Car c’est bien ce qu’il adviendra à notre société de demain si elle poursuit sa quête aux plaisirs alimentaires dans ces chaînes d’hamburgers plutôt qu’à une nourriture réfléchie et naturelle.
Je pense que la solution est chez nos fournisseurs de dopamine, je cite “les chaînes de fast-food”.
Seules ces chaînes ayant provoqué ces addictions alimentaires ont le pouvoir de changer les comportements de leurs consommateurs. Les marchés parallèles certes pourraient exister mais le problème résidera tant que les chaînes continueront de vendre cette nourriture. Je m’explique : un drogué qui a l’habitude de se fournir en cocaïne voit un nouveau produit arriver sur le marché plus sain, mais son fournisseur de drogue habituel conscient du problème se met à baisser les prix, faire des promotions sur sa poudre à miracle. Pensez-vous qu’il changera de fournisseur? Que nenni.
Alors si nos grandes enseignes de fast-food de demain étaient celles du “plaisir healthy”, de la recette équilibrée, du bien-être et de l’innovation alimentaire. Si ces restaurants parlaient d’eux à coup de slogans sur la santé, sur l’alimentation raisonnée et les prises de conscience? Si les distributeurs de “junk-food” proposaient en parallèle de leurs menus plus équilibrés des produits conçus pour les grandes maladies du siècle à savoir le diabète ou encore les maladies cardio-vasculaires? Si la solution était finalement là au coeur du problème.
Sensibiliser ces chaînes au changement ne sera pas chose simple, c’est vrai mais pourtant un vrai marché potentiel s’offre à eux. Additionner moins de protéines, de sucres et de graisses à leurs recettes fera baisser les coûts, une salade est tout de même moins chère qu’un steak de boeuf ou une tranche de bacon. Le challenge sera surtout de produire et distribuer autant de plaisir dans un hamburger nouvelle génération que ses recettes légendaires, et ce pari n’est pas simple. Il faudrait alors à coups de marketing noyer les panneaux publicitaires de visuels sur la morbidité de leurs anciens mode de consommations comme le font les distributeurs de tabac sur leurs paquets de cigarettes? Eh oui, si la solution était finalement si simple.







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